Vendée - Leclerc, FDSEA et JA : un premier face à face

Mercredi 10 mars, le réseau FDSEA et JA de Vendée a rencontré les directeurs des Leclerc du département pour échanger à la suite des mobilisations de la semaine dernière et construire ensemble des solutions pour la prise en compte des coûts de production des agriculteurs.

Après une semaine de forte mobilisation sur le département et la région, le réseau FDSEA et JA de Vendée ont rencontré mercredi 10 mars à leur demande les propriétaires des onze magasins Leclerc.

Leclerc, cible de la mobilisation
« Cette rencontre nous l’avons voulu constructive et nous en attendons beaucoup », introduit Jordy Bouancheau, président des JA qui accueillait les participants sur son exploitation à Saint-Denis-la-Chevasse. « L’avenir de l’agriculture vendéenne est en péril. Dans cinq ans, 40 % des exploitants partiront à la retraite et la grande majorité ne sera pas remplacée, principalement à cause du manque de rémunération. »
C’est l’absence de l’enseigne à la table ronde organisée fin février par le préfet de Région sur les négociations commerciales qui a conduit le réseau FDSEA et JA à cibler les Leclerc lors des mobilisations. « Grâce à cet échange, les responsables des magasins ont pu nous prouver que l’invitation du préfet ne leur était jamais parvenue », relate Brice Guyau, président de la FDSEA de Vendée.
Face à la colère de certains propriétaires, choqués par l’ampleur des blocages, Davy Jaulin, membre du bureau des JA rassure : « Les agriculteurs ne sont pas là pour casser. Au contraire, nous sommes des chefs d’entreprise tout comme vous. Nous sommes vos fournisseurs, parfois vos clients. Vous avez de formidables outils pour vendre et nous de formidables outils pour produire. Ensemble, nous avons la possibilité de repartir d’une page blanche pour construire un projet vendéen qui répondra à la fois à vos objectifs et aux nôtres. C’est là tout l’intérêt de cette rencontre. »

Un salaire minimum
La première question posée par les responsables agricoles était symbolique : pour vous, quel salaire minimum doit-il nous rester à la fin du mois ? « Comme vous, nous avons tous beaucoup investi dans nos fermes, notre temps, notre argent, nos familles. Et pourtant nous ne pouvons pas nous sortir de salaire ! », fulmine Patrice Remaud, président de la section lait de la FDSEA.
« Notre patrimoine n’entre pas en ligne de compte, complète Brice Guyau, président de la FDSEA, en réponse à la remarque d’un directeur. Tout simplement parce que sans repreneur il ne vaut rien. Et l’important c’est de gagner sa vie tous les jours. Sans compter nos retraites qui sont largement insuffisantes. »

Les Alliances Locales
Les Alliances Locales Leclerc, passées entre les magasins et des éleveurs viande bovine locaux, étaient au cœur des débats. Dans un esprit de transparence, les responsables des magasins ont présenté les volumes concernés : « Lissés sur nos onze magasins, ces partenariats représentent un tiers de notre chiffre d’affaires boucherie, constitué à part égale par le frais, le traditionnel et l’industriel. Dans le détail, ce sont 85 % des chiffres d’affaires en bœuf frais et traditionnel et cela représente 95 éleveurs et 1 100 bêtes à l’année. Les prix des contrats tripartites sont négociés tous les ans avec les producteurs. »
« Ces alliances sont une bonne chose », note Régis Guibert, co-président de la section viande bovine de la FDSEA. « Mais le prix doit être à la hauteur. Il ne doit pas simplement s’agir d’un complément de 10 ou 20 centimes par rapport à la grille France Agrimer. Cette grille est déconnectée de la réalité et ce fonctionnement ne permettra jamais de la faire remonter. Les coûts de production doivent être la base, le plancher à partir duquel se rajoute les plus-values. »
Sur ce point, les propriétaires des Leclerc se sont montrés à l’écoute et prêts à faire évoluer leurs pratiques pour assurer une juste rémunération des producteurs. De leur côté, les responsables se sont engagés à mettre en relation l’interprofession et les magasins pour que les enseignes puissent recevoir en direct les grilles de coûts de production pour chaque production.

Un groupe de travail constructif
Les discussions ont aussi porté sur les autres filières : produits laitiers, volaille… « Pour nous, il est bien plus facile de répondre à vos attentes lorsqu’il y a peu ou pas d’intermédiaire, plaide un responsable de magasin. Nous avons peu de marge de manœuvre face aux transformateurs et au national, nous devons aussi répondre au pouvoir d’achat du consommateur et nous avons besoin d’être sûr que nos efforts iront bien aux producteurs. » 
Patrice Remaud  réagit : « Peu nous importe la tambouille interne du magasin et les guéguerres des négociations.  Nous ne pouvons plus entendre de genre d’excuses, qu’elles soient vraies ou non. Peu nous importe qui gagne le plus d’argent tant que nous pouvons couvrir nos coûts de production. Et nous devons trouver le moyen d’y arriver ensemble. Si le pouvoir d’achat des ménages reste la priorité, alors que les intermédiaires rognent leur marge ! »
Responsables de magasin et représentants agricoles ont donc convenu de former un groupe de travail, auquel sera également intégrée l’Interprofession, afin de poursuivre les échanges sur chaque filière et de construire ensemble des solutions concrètes pour assurer la rémunération des producteurs.
« C’est en montrant l’exemple avec un projet vendéen solide que l’on pourra influencer le national », insiste Dominique Barbeau, secrétaire général de la FDSEA. « Pour les Leclerc comme pour nous, la transparence et la traçabilité seront de précieux alliés. »
Si cette réunion a favorisé le dialogue, Jordy Bouancheau et Brice Guyau sont conscients que le travail qui reste à mener sera ardu : « Ceci n’est qu’une étape et nous resterons vigilants pour que les agriculteurs puissent enfin être rémunérés au juste prix. »

Alice Dupé