Vendée - « Toutes ces femmes ensemble »

C’est par l’agriculture qu’elles ont retrouvé leur place dans le village en République Démocratique du Congo. À l’assemblée générale d’Afdi Vendée, deux femmes paysannes ont témoigné.

Il fait presque trop chaud ce jour-là en Vendée. Judith Balezi, 63 ans, et Philomène Namuzinzi, 60 ans, elles, sont emmitouflées dans une couverture ou un tour de cou douillet. Voilà trois semaines que ces deux femmes congolaises sont accueillies par Afdi Pays de la Loire (depuis le 24 mai). Elles viennent témoigner de leur vécu et de l’intérêt des actions menées par l’Association de développement international en agriculture, chez elles, dans le Sud Kivu, en République Démocratique du Congo.
Judith, Philomène et Pierre Lokeka (responsable de l’association d’insertion Centre Kitumaini) sont logés quelques jours chez Joseph et Dominique Billaud, à Thouarsais-Bouildroux, puis chez Marie-Thé et Paul Chevrier à Sallertaine, dernière étape de leur séjour.
À son arrivée en Vendée, cette petite délégation a visité un élevage de chèvres (Nathalie et Denis Lemire), le jardin maraîcher de la Largère (Esat) et ont échangé avec des écoliers. À l’assemblée générale d’Afdi Vendée, le 10 juin, les deux femmes ont raconté leur histoire difficile : violées à répétition par des groupes militaires, l’une répudiée ou abandonnée par son mari, « partie comme une folle loin de chez soi, des nuits en bord de route avec les enfants… ». Judith, Philomène peuvent aussi témoigner de leur présent combatif et de leurs réussites. Judith est devenue la présidente de la Sofepagri (Solidarité des femmes paysannes pour l’amélioration de l’agriculture), Philomène est son adjointe. « Il fallait aider les femmes violentées et rejetées à retourner dans leur village, chercher des terrains où elles puissent faire de l’agriculture pour se réinsérer… Toutes ces femmes ensemble, c’est devenu comme un centre… le Centre Kitumaini (“espérance” en swahili) », retrace Pierre Lokeka. La Sofepagri est une union de groupes locaux créés entres cultivatrices et ouvrant aux échanges de pratiques. Depuis trois ans, Afdi finance des formations et des accompagnements techniques, l’achat de semences.

« Le dire à nos filles »
De ces semaines en Pays de la Loire, Judith et Philomène retiennent justement la capacité à « travailler ensemble, mettre des idées en commun en fonction de cultures, vos coopératives comme les Cuma ». Mais surtout, « ici dans le travail, c’est comme si on ne distinguait plus l’homme et la femme. On peut trouver une femme qui tient une ferme et elle est déterminée ! », relève Pierre Lokeka. « Chez nous l’homme ne travaille pas aux champs, mais c’est lui qui récupère la récolte ! Et leurs fils sont pareils, ils ne veulent pas nous aider ! », expliquent Philomène et Judith en se redressant sur leur chaise. « À nous de donner ce message dans nos formations, de dire aux femmes qu’elles peuvent tenir une entreprise et que leurs filles pourront aussi le faire. Ça ne changera pas demain mais on va essayer de mettre ça dans la tête de nos enfants ; leur donner cette culture. » « Chez nous, les jeunes représentent plus de 50 % de la population et une majorité d’entre eux sont des filles ! », insiste le responsable du Centre Kitumaini.
Il y a quelques semaines, Afdi Pays de la Loire a lancé un appel aux dons pour financer l’achat de chèvres : « un don de 50 € = une chèvre ; 30 € pour un chevreau ». « Quand on offre la possibilité à une femme marginalisée d’avoir du bétail, c’est d’abord acquérir de la considération sociale », explique Pierre Lokeka. Judith détaille : « Les animaux sont élevés par rotation, ce qui permet beaucoup de solidarité : je reçois une chèvre, une autre aura son chevreau ». Les femmes s’entraident à travers cet intérêt commun. La bouse permet de fertiliser le sol, le bétail est nourri grâce aux engrais verts semés autour des parcelles. La chèvre pourra être vendue si sa propriétaire doit faire face à une difficulté familiale, pour payer la scolarité des enfants, etc. La consommation du lait n’appartient pas à la culture congolaise, « ça peut être une piste d’expérimentation… comme on a vu ici… », note Pierre Lokeka. Les sujets de prochains échanges et d’entraide entre Afdi et la RDC ne manqueront pas.

Catherine Baty