Vendée - « La coopération est une solution d’avenir »

En retraçant près de soixante ans d’aventure de la Cavac, Roger Albert et Daniel Rabiller, deux anciens présidents de la coopérative vendéenne, veulent rappeler la force d’une telle entreprise humaine. 

« Pas de langue de bois ! », avait d’emblée érigé en règle fondamentale Roger Albert à son acolyte d’écriture, Daniel Rabiller. Ces deux anciens agriculteurs, l’un de la Tardière, l’autre de Saint-Mathurin, ont été présidents de la Cavac : de 1971-1985 pour Roger Albert ; 1986-2000 pour son cadet. « C’est maintenant qu’il faut écrire l’aventure de la coopérative ! », décident-ils à quelques mois du premier confinement qui leur offrira finalement un contexte confortable pour chercher, confronter leur mémoire aux écrits archivés. Six mois de travail pour cet ouvrage, Positive agriculture. Si la coopérative Cavac m’était contée, tout juste sorti en librairie. 250 photos illustrent ce demi-siècle d’épopée coopérative, depuis sa naissance en 1965 avec la fusion de la Cava et de la CavBlé (Alain du Fontenioux en sera le premier président). Au fil de ces 212 pages, on lit de l’intérieur cette aventure faite d’ambitions collectives, de convictions individuelles, de conflits, de défis, d’opportunités et de tendances bien flairées. Et donc pas de langue de bois… « Ce sont les hommes qui ont construit cette histoire et c’est ce socle humain qui la fait perdurer, il ne fallait pas éluder ces moments difficiles pour montrer comment une telle entreprise traverse les âges », justifie Daniel Rabiller.
Mai 68 en 69 !
«En faisant ce travail d’écriture, j’ai redécouvert la Cavac avec bonheur, confie Roger Albert. J’éprouve même un sentiment de fierté devant cette histoire d’hommes qui continue », ajoute l’octogénaire, comme si cet exercice lui avait permis de boucler un épisode personnel. C’est dans un contexte de friction que Roger Albert quittera son siège de président en 1985 et ne renouvellera pas son mandat au conseil d’administration en 1988. Daniel Rabiller lui succède en 1986.
Avant cet épisode, certains se souviennent peut-être de l’assemblée générale (AG) du 20 décembre 1969 où « les motions revendicatives des jeunes délégués coopératifs pleuvent comme averses d’orage en plein été ». « La Cavac a fait sa révolution de mai 68 en 69 ! », résume Daniel Rabiller qui deviendra vice-président du CDJA en 1975, lors d’une AG là aussi marquante « de renversement de pouvoir » (Luc Guyau en devient président alors que cette pépinière syndicaliste était jusqu’alors plutôt en opposition avec la FDSEA).
« Le statut coopératif est idéal sur le plan démocratique puisque chaque sociétaire a un droit de vote égalitaire ; on participe, on prend les décisions en commun… Mais à cette époque-là… ça ne se passait pas vraiment ainsi, les administrateurs étaient cooptés. Les jeunes voulaient tout simplement revenir aux principes de base de la coopération ! », resituent les co-auteurs. Des sections territoriales sont créées et des sièges éjectés. La grève des salariés Cavac en 1971 rappelle encore que la période était pleine de tension, d’attentes et d’émulation.
De crise en crise mais….
Le début des années 1980 est donc difficile, les années 1990 seront celles de « tous les dangers ». « 1973, l’agriculture subit la crise pétrolière. 1979, c’est la première crise bovine. En 1984, on nous impose les quotas laitiers : en Vendée 2 000 exploitations changent de production ou s’arrêtent », rappelle Daniel Rabiller énumérant aussi le début des négociations du Gatt (accord général sur les tarifs douaniers et de commerce) en 1986, la PAC en 1992…. Les auteurs ne passent évidemment pas à la trappe les réussites de la Cavac quels que soient les contextes : la création de l’usine d’aliment de Fougeré, le rachat de la Semouest (production de semences), la mobilisation « d’un groupe jeunes », la diversification des filières…
Pas de passéisme
« Les critiques reprochant la centralisation du pouvoir, la technostructure… je les ai toujours entendues, concède Daniel Rabiller qui a connu trente-deux années d’investissement au sein de la coopérative. Elles sont la preuve d’une attente considérable des sociétaires, un besoin de reconnaissance, une envie de participer, de se sentir entendu. »
« La Cavac a toujours su innover, veut souligner Roger Albert, en s’ouvrant à de nouveaux métiers comme la fabrication d’isolant par le chanvre, en développant une politique de niche, et instaurant une contractualisation assez unique… ». « Celui qui est beau est toujours regardé et souvent critiqué », glisse l’octogénaire fin limier des formules. Fermement attachés à l’essence de l’esprit coopératif plus qu’à la nostalgie, les deux ex-présidents donnent, dans leur ouvrage, la parole aux administrateurs actuels, aux réflexions de quelques jeunes agriculteurs. « Ce n’est pas un livre d’histoire !, insiste Roger Albert, il s’agit de mesurer une évolution, de faire le lien entre un passé, un présent, voire un futur car dans un monde d’ultra-financiarisation, la coopération est une solution d’avenir. L’homme y a conservé une valeur ». 

Catherine Baty